L'autre jour on m'a dit : « tu devrais faire du sport, c'est bon pour le moral » (et pour tes cuisses flasques et pendouillantes, s'pèce de gros boudin cellulitoïde, mais ça c'est moi qui l'ai rajouté dans ma tête, le moi dans ma tête ne perdant jamais une occasion de me servir une amabilité).
Bon. Donc faire du sport. Sachant que le sport, ça recouvre beaucoup de choses (DoTa 2 est un sport, le saviez-vous?) j'ai commencé par demander à un vieil ami :
Et doctissimo en premier résultat, ça envoie du rêve. Après, je me suis rappelée que demander son avis à l'Internet pour chacun de mes choix dans la vie n'allait pas « me faire grandir en tant que personne » et j'ai décidé de me servir de ma propre intelligence.
J'ai donc évalué mes ressources : deux jambes en état de fonctionnement disons normal, des abdos probablement existants sous le gonflement stomacal obtenu par bière + auto-régurgitation, un torse muni de deux bras inutilisables, un compte en banque aussi vide que ma bouteille de rhum un vendredi soir à 21h, pas de partenaire humain disponible, 10h de taff quotidien, un chien, une paire de baskets noires et roses, une violente allergie aux groupes de plus de un, les 12 414km2 du Nord-Pas-de-Calais.
J'ai donc abandonné les idées de cours de danse, cours de danse en couple, fitness en salle, fitness en plein air, fitness dans la boue, badminton, sport de combat, yoga, basket-ball, DoTa 2, squash, ski de fond, natation synchronisée, tir à l'arc et autres chars à voile pour me consacrer au dogging.
Et pour une fois, j'aurais du demander à internet avant. Parce que dans ma tête, le dogging c'est faire du jogging avec un chien. Ben ouais, j'ai des baskets et un chien. Mais pas pour google. Mais je m'en tape, c'est pas internet qui va décider de ma vie (cf quelques lignes plus haut), je fais des néologismes en franglais si ça me chante, non mais.
Me voilà donc partie pour de la course à pied avec mon quadrupède préféré. Abyssale plongée dans mes zorribles zannées de collège/lycée lors desquelles un professeur de sport sadique (comprendre : à vocation de sportif de haut niveau ratée) me faisait faire des tours de cour de récréation à petites foulées. Je me souviens m'être plus d'une fois juré, à cette époque et entre deux crachats de poumons, de ne plus jamais courir de ma vie, que ce soit derrière un bus ou devant un serial killer enragé. Je m'y étais tenue jusqu'à présent.
Après, mes choix de vie ne m'ayant pas vraiment réussi et vu qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis (moi-dans-ma-tête, ta gueule, merci, bisous), j'ai enfilé mes baskets noires et roses (ce détail n'a aucune importance à part souligner le ridicule de la situation), ai attaché le Mappy à ma ceinture et me suis envolée dans la fraîcheur des six heures du matin. Mon canidé joli partit à fond de train. Je le suivis de près, attachée que j'y étais. Il s'arrêta brusquement pour renifler un poteau, moi en plein élan et toujours attachée manquais trébucher, me rattrapais de justesse, et re-manquais de m'étaler sitôt le canidé joli reparti comme une flèche. C'est ce que les professionnels appellent du jogging fractionné. C'est très bon pour le cœur.
Quelques minutes me suffirent pour m'adapter au rythme du toutou (je cours à fond de balle – je fais pipi sur un brin d'herbe – je cours à fond de balle – je refais pipi etc...), et une fois adaptée, je repris suffisamment conscience du monde extérieur pour m'aperçevoir que j'étais aux portes de la défunctation. Ce qui restait de mes poumons après dix ans à trente clopes par jour luttait férocement pour s'extirper de ma cage thoracique, mon pauvre palpitant déshabitué des rushs d'adrénaline supérieurs à ceux provoqués par la victoire d'un mode de sudoku « démoniaque » semblait suivre le même chemin, chacun des muscles de mes jambes s'entortillait autour de lui même, et un peu partout dans le reste du corps, le point de côté enfonçait sa lame vrillante et démoniaque. Sans compter que je transpirais assez pour rétablir l'équilibre écologique du Kenya.
Si j'avais eu encore assez de globules rouges pour faire fonctionner mon cerveau et tout ce qu'il trimballe, à ce moment, j'aurais sans doute pensé à un truc du genre : « Gné bordel mais pourquoi je fais ça arf nom de dieu j'en ai marre je veux mourir ». Ce que je pense 90% du temps, mais le sujet n'est pas là. D'où l'avantage de faire du sport : tellement de souffrances que je n'arrive plus à penser. Ca marche aussi avec l'alcool et les coups de cutter mais faire du sport, au moins, ça ne se voit pas physiquement.
Parce que, du coup, j'ai continué. Toujours harnachée à mon chien qui, lui, gambadait avec joie entre chaque poteau / arbre / brin d'herbe, j'ai bien fait tressauter mon gras pendant une bonne demi heure avant de revenir, Dieu sait comment, à mon petit chez moi. Enfin fini, que j'ai pensé, après avoir lu sur intenet quelque part que trente minutes d'exercice par jour pouvait suffire à améliorer l'apparence physique et l'équilibre psychique.
Oui mais non. Parce qu'en basculant le lendemain matin de mon lit, prête à réitérer l'expérience, je me suis remémorée l'une des grandes leçons de vie : « Quoi que tu fasses et même si c'est taffreux, ça sera pire le lendemain. » Ca vaut pour l'alcool, les relations intimes, les textos, les textos alcoolisés envoyés aux anciennes relations intimes, le maquillage charbonneux, les scarifications, les pizzas domino's, les week end en général, les interactions sur les réseaux sociaux et donc, le sport.
Après tant de temps à me complaire dans l'immobilisme le plus total (aussi bien physique que mental), il fallait bien que je sois punie d'avoir osé briser ce statu quo établi entre moi et le mouvement. Et ce matin là, la punition s'appelait la courbature. Imaginez pour rigoler qu'on vous ait pendant la nuit retiré un par un les onze muscles de la jambe (tibial antérieur, long extenseur de l'hallux, troisième fibulaire, triceps sural, plantaire, poplité, tibial postérieur, long fléchisseur des orteils, long fléchisseur du gros orteil, long fibulaire, court fibulaire), qu'on s'en soit servi comme serpentins pour l'enterrement de vie de garçon d'Hannibal Lecter, puisqu'on vous les ait re-greffé au petit bonheur la chance juste avant que vous tâchiez de vous en servir pour, je ne sais pas moi, disons vous tenir debout. Voilà, je pense que vous avez un bon aperçu de l'horreur de la situation. A tout prendre, je préfère la gueule de bois et du sang partout sur la moquette, mais ça ne fait pas sortir mon chien ces bêtises là.
Mais comme pour une fois, on était d'accord avec mon chien sur ce qui me fait du mal et ce qui lui fait du bien (il prend très peu de plaisir à mes soirées alcool + objets tranchants), j'ai continué. Nonobstant les glaviots pulmonaires, les explosions cardiaques, la sueur (pas besoin de périphrase pour cette abomination là) et les relents de soirée hannibal, j'ai continué. Comme ça, si je retrouve la personne qui m'a dit que c'était bon pour le moral, je pourrais lui courir après avant de... de... de faire une moue qui signifie que je ne suis pas tout à fait d'accord mais qu'il/elle me fait trop peur pour le/la contredire.
Ah, et souvenez-vous, la vie est belle.